S'il fallait une preuve supplémentaire des intuitions visionnaires de William Klein (lire Libération du 16 avril), on regardera avec attention les courts sujets qu'il a tournés, en 1962, pour l'émission Cinq Colonnes à la une, à la demande de Pierre Desgraupes. Alors que la télévision traverse tout juste sa préhistoire, le grand Billy vole déjà vers le reportage coup de poing, qu'il étire parfois, en de vertigineuses traverses, vers l'opus expérimental quasi abstrait. Les quatre films présentés par Planète, d'une douzaine de minutes chacun, sont tendus entre ces deux extrêmes : ils informent (sur «les troubles de la circulation à Paris», sur les «départs en vacances, Gare de Lyon, 29 juin 1962», sur «le business et la mode», sur un «tremblement de terre en Espagne»...), mais ils déforment tout autant. Le grand embouteillage, place de l'Opéra, devient un enchevêtrement de lignes contradictoires à la Paul Klee, les trains qui défilent forment des à-plats façon Rothko et les bruits de la Gare de Lyon recomposent une bande sonore de musique concrète. Au milieu, de pures saillies de vivacité qui vous sautent au visage : une engueulade sur le bord d'un trottoir, un musicien hilare qui improvise sur un quai de gare. William Klein mord à pleines dents dans ce matériau parisien qui s'offre à lui tel un gâteau d'anniversaire, entre titi gouailleur et sophistication suprême. Les hommes d'affaires de la mode en prennent pour leur grade, et chaque défilé, y compris le deuxième d'Yves Sai
Critique
L'oeil télé de Klein
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publié le 18 avril 2002 à 23h04
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