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Libération
Critique

L'air de la guerre

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publié le 24 avril 2002 à 23h09

L'aveuglement d'une splendeur illusoire : «Faire de ce Portugal tout petit un Portugal encore plus grand.» Les images d'archives défilent. Hordes de bidasses partis défendre la patrie au Mozambique, en Angola ou en Guinée-Bissau. Ils saluent leur famille. Prennent bien soin de rappeler le nom de leur village, exotique dans la boue et la poussière africaine. En voix off, la poésie des mots de l'écrivain Antonio Lobo Antunes, extraits du Cul de Judas, consacrés à ces enfers coloniaux.

Pour revenir sur ces «longues années étouffées et tristes», un disque 33 tours offert pour Noël 1971 aux militaires portugais embarqués dans la sale guerre. Il sert de fil rouge et donne son titre à ce documentaire. C'est un objet propagandiste, destiné à soutenir le moral des troupes, que Margarida Cardoso a retrouvé dans les archives familiales. Rien n'arrêtait à l'époque les bonnes âmes du MNF (Mouvement national féminin), émanation du régime salazariste, qui avaient à grands frais sollicité chanteuses de fado et chansonniers. Comme si on trouvait des pick-up au coin de la brousse. Comme d'autres acteurs de l'époque, Adelino Cardoso, père de la réalisatrice, militaire de carrière, déterre «ces années de fascisme, de répression et de guerre». Certains artistes qui ont collaboré à ce disque justifient leur geste. L'inconscience, la lâcheté, la «peur de se retrouver sans travail». Un temps où la Pide (police politique) avait le pouvoir de vous envoyer en prison pour un mot de travers. Mais, loin d