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Libération
Critique

Les Raisins de la colère

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Paris Première, 21h.
publié le 25 avril 2002 à 23h09

Certains films n'existeraient pas sans leurs acteurs. Il n'y aurait pas de phénomène Vigo sans Michel Simon, monstre d'invention qui évite à l'Atalante, le seul film un tant soit peu regardable de l'auteur de Zéro de conduite, de sombrer dans la poésie pré-Splash. Il n'y aurait pas de Quatre Cents Coups, et encore moins de Doinel-saga, sans le petit Léaud. On ne répétera jamais assez que son bout d'essai pour Truffaut surpasse de loin les Quatre Cents Coups en pure intensité. Michel Simon, Jean-Pierre Léaud : deux cinéastes, deux très grands cinéastes. Ils n'ont jamais rien signé, mais c'est tout comme. Avec d'autres acteurs, d'autres films, ça se discute. Pour Raymond Chandler, l'interprète idéal de Philip Marlowe, c'était... Cary Grant. Le cinéphile rigole. Il se croit malin, le cinéphile. Marlowe et les grimaces de Bogart, c'est une seule et même chose pour lui. Une fréquentation minimale de Raymond Chandler (et un peu d'imagination) permettraient pourtant d'envisager le Grand Sommeil sans Bogart et sans Lauren Bacall. John Wayne dans la Rivière rouge, c'est pareil. On n'imagine pas le film sans lui. Hawks pensait pourtant à Gary Cooper, dont l'élégance inquiète et fragile aurait à l'évidence noirci ce western oedipien. Qui sait s'il n'aurait pas sublimé le film de bout en bout ?

Henry Fonda, un étranger à la troupe fordienne, qui squatte génialement Young Mister Lincoln et My Darling Clementine, est identifié à jamais au Tom Joad des Raisins de la colère. Il en est l'âme,