Ce soir de juillet 2001, elle était de garde à l'hôpital. C'est vers minuit qu'elle les a vus débarquer par paquet. «Quand les premiers blessés sont arrivés, ils étaient dans un état incroyable... bras cassés, lacérations en tout genre.» A l'écran, les brancards défilent. Images floues, nocturnes, et la police qui charge et charge encore, tape sur tout ce qui bouge. Les lignes téléphoniques sont coupées, les ordinateurs saccagés, les couloirs en sang. Juillet 2001, Gênes, Italie. Le Media Center alternatif est à genoux. Les images sont signées IndyMedia, on pourrait intituler le film les Bleus dans les yeux (c'est de saison et c'est le principe : une caméra DV et tout est fixé). Jusqu'ici, seul Karl Zéro en avait diffusé quelques extraits. Plaies béantes, points de suture en pleine rue, mâchoires recousues à même le trottoir. Se souvient-on que cette année-là, avant Rudolph, il y eut un autre Giuliani ? Il s'appelait Carlo Giuliani, il avait 20 ans, il est mort à Gênes.
21 avril 2002, Paris. Cette fois, pas d'images, juste un témoignage. Un homme, cubitus cassé, raconte la manif improvisée Bastille Ñ Concorde Ñ Saint-Germain-des-Prés. Puis la souricière. Puis les gardes mobiles qui cognent. L'un d'eux lui lance : «J'espère que les Arabes vont t'enculer.» Le seul moment marrant pour Rodrigue, cette nuit-là : «Le flic n'avait pas l'air de savoir que j'étais pédé.»
Et maintenant Danger travail, le dernier film de Pierre Carles. Une galerie d'obstinés, de réfractaires, de pas fréq