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Libération
Critique

L'Esclave libre

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publié le 3 juin 2002 à 23h47

TCM, 20 h 45. Le cinéma, parce qu'il est l'enregistrement des apparences, est également l'art de les dénoncer. Tous les grands ont cherché, par les moyens visibles du cinéma, à parler d'une vérité invisible, sans cesse en train de se dérober, car plus rapide, toujours, que l'intelligence humaine. C'est parce que Raoul Walsh ne croit pas à la raison, toujours en porte-à-faux avec la réalité, que, sur la question du racisme, Bands of Angels fait partie des films incontournables. En 1967, l'Histoire avait suffisamment de recul sur la condition des Noirs aux Etats-Unis pour que le cinéaste puisse se livrer à un exercice de haute voltige, consistant à farcir un mélodrame costumé dans le Sud profond (ni somptuosité, ni nostalgie pour une fois) d'une variation assez radicale sur l'oppression. L'héritière d'une plantation, Amantha Starr, apprend brutalement qu'elle a du sang noir dans les veines (sa mère, morte, était la concubine noire de son père). Vendue illico presto comme esclave, elle est achetée par un beau et ténébreux planteur (Clark Gable), manifestement hanté par des fantômes. Hamish Bond est l'un de ses tall men qui peuplent les films de Walsh en forçant l'admiration par la démesure de leurs actes, en bien ou en mal. En l'occurrence, celui-ci fut un négrier de la pire espèce, aux mains encore tachées des massacres de la traite des Noirs. La scène par essence walshienne du film consiste en une soudaine tempête (sous un crâne ?) utilisée comme métaphore du retour du refoul