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Libération
Critique

Mort à Venise

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Cinétoile, 17 h 10.
publié le 4 juin 2002 à 23h49

Au petit déjeuner, au déjeuner, au dîner, dans les salles et les salons mortels du Lido, dans ses couloirs monotones, sur sa morne plage, on attend, on guette, on mate. Entre ses cache-pots sinistres remplis de fleurs statiques faisant écho à tout un peuple de dames en costumes, la caméra erre comme une âme en peine, s'abîmant dans l'évocation proustienne d'un monde disparu. Le cinéma, comme découvrant sa seule raison d'être, est à la recherche de Tadzio, adolescent immortel, innocent aux mains pleines, objet du désir, obsession funeste, et Visconti passe aux aveux. D'avoir tant cherché le point de rencontre entre l'art et la vie, l'esthétisme et la chair, l'esprit et le corps, la sublimation et les sens, il n'a à chaque fois trouvé que ce qui était prévisible, annoncé, su, mais insuffisamment médité, la mort. Dès les premiers plans de ce film bien nommé, objet de culte complètement démodé, on comprend pourquoi déjà dans Senso Venise était sale et puante. Venise est une ville pour mourir. La beauté a partie liée avec la mort bien plus tragiquement qu'on ne croit le savoir. Gustav Aschenbach (Dirk Bogarde) est un musicien qui a cru toute sa vie aux plus hautes valeurs esthétiques et morales, et qui se prend dans la figure, à l'âge d'en finir, la révélation de son homosexualité latente et l'appel bouleversant de la chair, qui plus est à travers les fesses dérisoirement sublimes d'un gamin aux yeux de biche. Aujourd'hui, les déchirements du vieux professeur paraissent-ils forcé