Cinéclassics, 20 h 45. Un an après la Chienne, son premier film parlant, Renoir tourne en 1932 un machin insaisissable, véritable objet rétif pour cinéphiles maniaques, mais susceptible de fasciner quiconque se laisserait aller à ce cauchemar qui bat des paupières dans le noir. Un diamantaire a été retrouvé tué d'une balle au lieu-dit le Carrefour des Trois-Veuves, près d'Arpajon, autant dire au milieu de nulle part (on est dans une adaptation de Simenon). Pour enquêter, le commissaire Maigret se rend à ce croisement de routes où trois maisons se regardent en coin, dont un garage avec pompes à essence (promesse de passage). D'entrée, d'un coup de balai poussant un journal dans une bouche d'égout, Renoir évacue le fait divers en tant que bouleversement spectaculaire du quotidien. Ce dernier se suffit à lui-même : il n'y a qu'à le presser un peu, même pas, l'observer de près, pour que ses potentialités affluent, qui iront du burlesque (au début du film, un éveil du Carrefour digne de Tati) à un naturalisme gouailleur, en passant par un expressionnisme stroheimien, un surréalisme rampant, un comique chaplinesque. Sombre et massif, Maigret au Carrefour se tient aux aguets, encerclé par la nuit, le brouillard et la pluie. Il rencontre les habitants, un garagiste, un assureur, un frère et une soeur danois échoués là par bizarrerie. Rencontre n'est pas le mot, car ce qui se passe entre les protagonistes relève d'un domaine indiscernable, qui rend le film très très étrange. ça se da
Critique
La Nuit du carrefour
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par Isabelle POTEL
publié le 5 juin 2002 à 23h49
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