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Libération

Terminal canapé

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publié le 28 juin 2002 à 0h07

Il en a vu, le bienheureux. Des professionnels de la vie courante, des réfractaires, des dignitaires, et des grands et des mesquins, des body-Bouygués et quelques beaux tarés. Ça, tu en as vu, et revu. Mais regarde-toi, maintenant. Toutes ces traces, ces souvenirs, l'usure et les plis, tes rides et nos rires. Au début, petit canapé, t'étais fringant, jaune d'or, coussins fermes et moelleux à la fois, tu te tenais droit, face à elle, ta rivale, ta bouffe-soirée balisée, jamais tu ne t'affaissais. Et puis, il y a eu cette première tache, ronde comme une tranche de pepperone. Et celle-ci, couleur tasse de café renversée, du temps où les sketches de Michel Muller passaient encore. Et ça, des pâtes à l'anthrax, du sang de vache folle (Combien ça coûte ?), un vieux chewing-gum flou et fluo (« America Strikes Back» sur CNN à Kaboul), le petit Mohammed mourant sous tes pieds, Ronaldinho crucifiant un gardien avec les siens... Puis, les coussins qui se tassent, l'accoudoir gauche qui se barre, un Boeing puis un second, 11 septembre ­ 300 chaînes, le lit pliant qui ne se plie plus, qui refuse, qui grince, massacre à Mazar-i-Sharif, et qui s'écroule avec GrolandSat. L'hallucination collective, what you see is what you get, 24 heures sur 24, de Loana à Tora Bora, du Loft à la grotte d'Al-Qaeda. Le Pen père et fille, Canal + auto-assiégé aussitôt assagi, la jambe folle de Chirac, les partouzes de Paris Dernière, Arafat à la bougie, «insécuritélé» partout, justice nulle part, tous ces gen