Laura, Lolita, quelques syllabes gourmandes qui appellent les jeux du désir et de la passion. Lolita, une fillette qui mâche son chewing-gum sans cesser de fixer avidement un homme qui pourrait être son père. Il meurt d'amour pour elle, sous elle, sur elle, comme on voudra. L'imagination du lecteur ou du spectateur fait le reste. C'est aussi l'imagination qui fait Laura, qui l'invente. Le film invente littéralement son propre déroulement, il fait de la rêverie son moteur. Ne pas avoir vu Laura est une chance rare, une chance insensée. Ne rien savoir de ce film somptueux par lequel Otto Preminger naît au cinéma, c'est être vierge de cinéma. On dira juste que c'est le portrait d'une fille qui vit dans l'imagination d'un homme au point de s'incarner. Pas mystique, la fille, attention. Adolescente, plutôt. Laura est l'un des plus beaux films immatures de l'histoire du cinéma, un hymne à la branlette lycéenne. C'est l'histoire d'un flic (Dana Andrews, imperturbable sous son imperméable) qu'une enquête met en présence d'un mystérieux portrait de femme, une femme dont il ne tarde pas à tomber amoureux. Belle comme le jour, distante comme un coucher de soleil. Gene Tierney en un mot.
Dana Andrews tombe amoureux du portrait de Gene Tierney, il n'en dort plus, il s'endort à ses côtés, il la caresse dans ses rêves. Un jeune cinéaste d'aujourd'hui le montrerait fouillant dans sa braguette en regardant la belle du coin de l'oeil. Ce qui est beau, avec les codes de censure hollywoodiens, c