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Libération
Critique

Un flic

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Canal +, 1 h 15.
publié le 11 juillet 2002 à 0h22

Melville, Duvivier, les préjugés commencent à tomber. De Duvivier, la bande des Cahiers du cinéma pensait quelque chose comme : «Nous ne sommes pas du même monde, vous ne ressemblez pas aux auteurs que nous deviendrons.» Pour Godard ou Rohmer, il est urgent de se forger des maîtres à l'image de leur ambition, des Renoir, des Rossellini, des Dreyer. Comment pourraient-ils voir que Duvivier, avec sa méchante misanthropie, n'est pas l'artisan qu'ils croient, mais une sorte de Preminger solitaire et amer ? Bel aveuglement procédurier, belle impasse. Pour Melville, l'histoire est plus compliquée. Avec Cocteau et Astruc, c'est l'un des précurseurs de la nouvelle vague. Melville tourne dans la rue, sans acteurs, sans effets de scénario inutiles. Fictions tremblées qui annoncent le lyrisme éclaté, bricolé, d'A bout de souffle, de Paris nous appartient, du Signe du Lion. C'est quand il s'institutionnalise qu'il devient une icône du film de genre, promenant son Stetson à la blancheur immaculée dans des décors pour gangsters oniriques, des gangsters sublimement pédérastes, efféminés comme George Raft, virils comme Cagney, que Melville s'isole, provoquant gêne et mépris, à la fois chez les industriels du cinéma et les écrivaillons de la critique, pressés de vanter ses plus mauvais films (le Samouraï), pour mieux passer sous silence ses chefs-d'oeuvre ­ et pour enterrer la nuit venue son plus beau film, son dernier, Un flic.

Dès les premières images, une ville fantôme fouettée par la plui