Les Deux Orphelines se révèlent un objet de choix, bouleversant et excitant, complexe comme son auteur. Disons tout d'abord que, dans ce film réalisé en 1923, David Wark Griffith a transposé et calmé ses ardeurs sudistes de Naissance d'une nation (1914), date clé du cinéma mais véritable ode au Ku Klux Klan. Disons également qu'à travers ce grand mélo ayant pour toile de fond la Révolution française, il croit faire un film contre les bolcheviques et contre les anarchistes. Adapté du livre de Philippe d'Ennery, les Deux Orphelines mettent en scène deux soeurs dont l'une est aveugle, deux filles prisonnières, l'une d'une mégère, l'autre d'aristocrates. Lillian Gish y interprète Henriette et sa soeur Dorothy Gish, Louise, l'aveugle. Poussé par Lillian Gish à adapter le best-seller d'Ennery, Griffith, qui aurait préféré s'atteler à son Faust, signe néanmoins ici un film personnel mêlant au film historique (la Révolution) de l'individuel, une innovation de taille. Autre splendeur : le gros plan. Ce dernier prélève, cache, intensifie et dévoile. Grâce à cela, on arrive presque à lire les mots sur les lèvres. On entend les figures muettes nous parler. Dans la forme (le gros plan, le montage alterné) se trouve le véritable acte politique de Griffith, pas ailleurs. Avec la forme, Griffith montre que le cinéma est une manière de voir. Lui est partisan et il ne s'en cache pas. Dans les Deux Orphelines, on voit des peintures, des natures mortes. Un sein ici, des gueules creuses là, une
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