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Libération
Critique

Eloge de la fuite

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publié le 31 août 2002 à 0h48

Il n'y a sans doute rien de plus difficile aujourd'hui que d'attraper cinématographiquement quelque chose de cette jeunesse soi-disant en péril, cette mauvaise pousse des banlieues ou des cités anonymes livrées au mal-être et aux poncifs bien-pensants de la sociologie, de la presse, des tartes télévisuelles ainsi que du cinéma, trop souvent démagogiquement fasciné par une prétendue rébellion qui serait l'une des rares propositions romanesques contemporaines. Le souci de Jean-Paul Civeyrac, dont ce fut là l'étonnant premier film, d'une justesse éclatante, d'une fluidité rare, fut simplement de ne pas arriver les mains vides auprès d'un tel sujet, d'y entrer en douceur avec un objectif très précis : réussir à expédier hors champ, et ce n'est pas facile, le territoire exténuant d'inanité où s'anémise une bande de gamins, non loin de Saint-Etienne, dans un nulle part où le temps ne passe plus.

Civeyrac n'attendait pas d'être nourri par son sujet, il vient, au contraire, missionnaire gardant secrète sa mystique (Dumont, Dardenne, Guiguet, Bresson, Dieu ?), convertir à la fugue les quelques ados à la dérive qu'il place devant sa caméra. Il vient, en toute modestie, apporter un lyrisme à des états, psychiques, sensoriels, qui, a priori, n'en veulent pas. Il ne propose pas l'emphase habituelle qui flatterait à bon compte les «djeunes» dans la complaisance de leur violence, de leurs codes, de leurs éclats stériles et autodestructeurs. Il ne s'agit pas de faire souffler un vent flatteu