L'homme remonte rapidement la petite foule. Ils sont près de deux cents qui marchent. Pas un mot sur les lèvres, quelques fleurs dans les mains. Il s'approche d'un gars qui avance tête basse. C'est pour lui qu'il est venu. «Excusez-moi», dit l'homme, main tendue vers le gars. L'autre a senti sa présence, s'est retourné brièvement. Son regard est dur, méfiant, les yeux d'un être qui a besoin de silence. «Monsieur, bonjour, Jacky Kulik», dit l'homme. Marchant toujours, le gars regarde la main, hésite, donne mollement la sienne. «Bon, alors vous me reconnaissez ?», dit Jacky Kulik. Ils se sont parlé hier. Front bas, bras ballant, le gars marche. L'homme insiste. Son menton tremble, ses mots sont difficiles. «Je voulais... je voulais vous dire que bon, ben, il fallait que je vienne hein ?» Il cherche un regard. Rien, pas de réponse. Juste les pas heurtés qui traversent le village. «Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas hein ? Renseignements ou autres, vous avez mes coordonnées.» Le gars marche. Lui continue, parle dans son sillage. «Il existe un fonds d'indemnisation des victimes. Sachez-le. N'hésitez pas à contacter un avocat.» Les maisons de brique et les volets vernis font place à la campagne rase. La procession sort maintenant du bourg. «Il faut pour l'avocat, hein ? Ou vous n'aurez pas accès au dossier.» Vague hochement de tête. Arrivés au lieu du supplice, les habitants de Fouilloy font cercle. Un couple de jeunes s'étreint en pleurant. Chagrin partout.
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