Dans la fumée, les bris de verre, la poussière blanche, à l'intérieur même de la tour nord du World Trade Center, Jules Naudet filme des hommes. Des fantassins transis avant l'assaut, des marins grelottant de mer trop grosse, des mineurs muets descendant vers le fond. Il filme la compagnie n° 1 des pompiers de New York (1).
Par centaines, ils arrivent. Ne se posent aucune autre question que la survie des autres. L'une des deux tours jumelles brûle, à hauteur du 78e étage. Il y a des milliers d'employés au-dessus du brasier, en dessous, coincés dans les dizaines d'ascenseurs, «alors on y va», dit le chef Pfeifer. Et les pompiers y vont. Montent à pied l'escalier, jusqu'au plus haut possible. Chacun sa place, son poste, les ordres claquent au milieu de la panique civile. Ils savent, les pompiers. C'est certain, ils savent. Comment sauver tous ces captifs, comment terrasser le brasier, comment en rester à quelques étages noircis et l'immense frayeur. C'est ce que pense Naudet, c'est ce qui le rassure. Leurs gestes sont l'habitude, leurs mouvements l'exercice, leurs attitudes sont confiantes d'avoir été tant et tant répétées. Le feu est leur territoire d'évidence. D'ailleurs, regardons-les. Ils s'affairent mais respirent le calme. Tapes sur l'épaule, encouragements, complicité, marche assurée. Ils ne peuvent que vaincre.
Il est 9 h 14. Le second avion percute la tour sud. Le monde entier sait, regarde en boucle les mêmes images, vient même d'apprendre que ce sont des hommes qui on