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Libération
Critique

L'Enfance d'Ivan

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CinéCinéma Auteur, 21 heures.
publié le 18 septembre 2002 à 1h02

Aucune caméra n'était encore jamais montée à l'arbre. C'est le premier plan de l'Enfance d'Ivan (1962), premier long métrage d'Andrei Tarkovski. Le dernier plan du Sacrifice, son dernier film, clôt l'oeuvre sur un arbre. Dans les deux cas, il y a un garçon près de l'arbre. Comme Andrei Roublev (un peintre moine dans l'Histoire), l'Enfance d'Ivan (un enfant dans la guerre) est encore un film très figuratif, à la narration relativement linéaire en comparaison de l'extraordinaire discontinuité prolifique («le cinéma, du temps sculpté») qui apparaîtra ultérieurement. Mais déjà il déploie les ailes de la grammaire tarkovskienne, d'une exigence poétique tourmentée, hantée ici par Eiseinstein et le surréalisme, l'expressionnisme et l'art de l'icône. Une étoile dans l'eau sombre d'un puits, pommes dévalant d'une charrette dans un monde solarisé, couteau criant vengeance, corps ivre de joie sur le sable : Ivan n'est pas qu'un orphelin confronté à l'horreur de la guerre, le film n'est pas une variation sur l'adolescence héroïque, un Quatre Cents Coups à la mode soviétique : comme tous les enfants chez Tarkovski, il est un passeur de spiritualité, de cinéma, l'ange et la bête, la conscience inouïe où rêves, souvenirs et morsures au fer rouge du monde se croisent à égalité, non départagés encore par le réalisme-moralisme adulte. L'enfant est celui dont le regard et les sensations dévoilent la réalité telle qu'elle est habituellement dérobée. Ivan va au-devant de la guerre avec une certi