A travers le masque à oxygène, il geint. «C'est les pompiers, là... Ouvrez les yeux.» Le vieil homme est allongé à terre, sous le grand lustre du salon. On lui a relevé le maillot, son gilet gris sans manche, il a des capteurs sur le torse nu, partout des tuyaux de couleur. «Mon Papi, il va avoir froid, lui qui est si frileux.» Sa femme, toute chancelante (1).
Nous sommes à Montreuil. La maison est claire, il y a un napperon en dentelle sur la commode et des franges à l'abat-jour. «Je l'ai trouvé comme ça... Sur son fauteuil.» La dame est courbée, appuyée sur sa canne, une laine violette sur le dos. «Il a écrit quelque chose avant ?» demande le médecin pompier. Voilà. «Je veux mourir», «je vais me couper les veines.» Elle gémit, puis s'assied. «C'est ça qu'il a écrit.» Dans la pièce, le couloir, sur le palier, toutes ces voix étrangères, ces hommes si nombreux, si grands pour la maison. Cet instant brut qui chasse le familier pour le drame. «Serrez ma main, monsieur... Vous m'entendez ?» On demande à la femme si son mari a pris quelque chose. Chaque mot d'elle est une plainte. «Il a rien pris, vous savez. Non, non. Il avait mis ça sur la table et il avait mis le grand couteau à côté.»
Pas de sang sur le corps, sa bouche est propre. Le désespéré a 99 ans. «Il n'avait pas trop le moral, il voulait mourir», pleure sa femme. Doucement, le médecin insiste : «Qu'est-ce qu'il a, à votre avis ?» Elle se redresse. «Oh ! rien.» «Il a avalé des médicaments ?» «Oh ! non, non. Il a avalé s