Il a un drôle de regard ce soir, Thierry Ardisson. La musique tralalabouboume, la lumière crisse, le public tape dans ses mains pour saluer le premier invité. Ce serait tout pareil, s'il n'y avait ce regard glacial (1).
Hubert de Beaufort a 73 ans. C'est lui, ce Beaufort-là, descendant d'une famille résistante décimée par les nazis, qui a aidé à l'évasion de Papon en Suisse afin de le soustraire à sa condamnation. Pour lui, il le redit ce soir : «Papon, c'est Dreyfus.» Deuxième invité, Didier Schuller. Ici en tant qu'ancien codétenu de Maurice Papon. Troisième, Julien Dray, député PS de l'Essonne. Une interrogation revient en boucle, la même, toujours : «Pourquoi, au moins, Papon ne demande t-il pas pardon ?» Réponse familière. «Pardon de quoi ? Pourquoi ? Et à qui ?» Beaufort radote avec morgue l'antienne pétainiste du fonctionnaire resté en poste, qui ainsi a évité le pire. Et même sauvé des vies. Bon, banal. Tout ronronne. S'ennuie, presque. Floues, au premier rang du public, trois jeunes idiotes rient sans cesse. Lorsque soudain, Ardisson nous dit quel était ce regard.
«Je me demande si ce qui vous motive finalement, demande-t-il à Beaufort, ce n'est pas tout simplement le bon vieil antisémitisme français ?» Un instant, l'autre est saisi. Bras croisé, il cligne fort des yeux en secouant négativement la tête. «Mais non !.... J'ai été administrateur d'une banque juive pendant dix ans, ce qui est rare.» Haïe ! Sorti comme ça. Le coup de l'ami juif. Immédiatement, Dray se penc