Il a passé l'arme à gauche, il y a vingt ans. Mais contrairement à Callas, il n'a pas droit à un film de Zeffirelli. Dieu merci, entre ceux de Monsaingeon et ceux qu'Arte montre ce soir, on peut effectivement se passer du maniériste italien. Car, pour les plus jeunes qui l'ignorent, Glenn Gould fut une star, un putain de beau gosse qui fit des Variations Goldberg de Bach un best-seller, et quitta la scène en 1964, à l'âge de 32 ans, pour approcher son idéal de perfection en studio. Ce que commémore Sony en rééditant dix-sept albums en pochette originale, un coffret réunissant les deux versions mythiques des Goldberg (1959 et 1981) remastérisées à partir des bandes analogiques, et un coffret de quatre CD réunissant les deux livres du Clavier bien tempéré de Bach.
Mais Gould, ce fut également un grand caractériel, comme le rappelle Journal d'une crise que publie Monsaingeon. Un recueil de lettres pour le moins délirantes, renseignant sur les lubies du Canadien qui refusait tout contact physique. Un jour, il acquit une villa de vingt-six pièces, fit une descente en ville accompagné de conseillers pour dévaliser les magasins de meubles, et le lendemain, les livreurs passés, il prit la fuite en voiture et se débrouilla pour rendre la maison. Les deux courts films diffusés ce soir par Arte montrent le Canadien torturé et capricieux ou génial, c'est selon en 1959, quand il a encore cette classe de poète beat, jazzman énervé ou James Dean des grands jours. C'est que Kroitor et Ko