Sans déconner, c'est bien Deneuve et Malkovich ? Main dans la main, en train de faire du tourisme? Un tel naturel dans l'improbable se dégage de la scène qu'on croit être tombé sur un reportage télé et non sur un film de Manoel de Oliveira, ce vieux, si vieux cinéaste qui s'est allégé au fil des années pour qu'il ne reste plus en son cinéma que la beauté, l'épure et l'ironie. En 1994, à l'âge de 86 ans, le Portugais s'offrait son premier casting international, avec deux subtils poids lourds qu'il enfermait dans le couvent désaffecté d'Arrabida, à quelques encâblures de Lisbonne, pour une déambulation chuchotée où la fable et la vie s'égaillent dans d'interminables couloirs. Le film opère comme une contamination d'un cinéma majoritaire, celui qu'incarnent la Française Catherine et l'Américain John, par un cinéma sardonique, celui qu'Oliveira tisse depuis l'époque du muet aux couleurs de ce pays oublié, Portugal qui improvisa son étonnante force de survie au cours de mille défaites (NON, ou la vaine gloire de commander) et conserve en Europe l'aura d'un mystère, d'une saudade insaisissable. Oliveira immerge ses deux stars, prêtes à jouer le jeu mais néanmoins incrédules (le naturalisme sceptique de Deneuve fait ici merveille, tout comme l'air dépassé de Malkovich), dans des sortilèges d'un autre temps, d'un ailleurs où les arabesques de l'esprit entrent en coalition avec la magie d'un lieu.
Malkovich est un universitaire américain qui cherche les preuves des origines espagnoles