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Libération
Critique

L'Extravagant M. Ruggles

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Ciné Cinéma Classics, 19 h 15.
publié le 24 octobre 2002 à 1h31

Il y a plus d'un point commun entre ce merveilleux mélodrame politique et un autre mélo américain, tout aussi politique, signé dix ans plus tard par Jean Renoir, Vivre libre. Renoir aimait beaucoup le cinéma solaire et tordu de McCarey, et il y a de grandes chances qu'il ait vu et revu l'Extravagant M. Ruggles avant de proposer à Charles Laughton (l'ébouriffant interprète du valet de chambre qui donne son nom au film de McCarey) le rôle à la fois réaliste et invraisemblable d'un petit Français, exotique et trouillard, qui se révolte contre les nazis, et qui devient presque résistant par amour. Quand on connaît la sympathie avérée de Renoir pour la propagande antijuive d'Adolf Hitler, un homme qu'il disait apprécier beaucoup, et avec lequel il était sûr de s'entendre un jour, on comprend mieux la gêne qu'on ressent devant Vivre libre, un film de propagande à l'artificialité très hollywoodienne (Dudley Nichols au scénario). Un superbe film, pourtant, et très émouvant d'un strict point de vue dramaturgique.

Renoir aurait pu prendre un autre acteur pour jouer l'instituteur amoureux de Vivre libre, mais seul Laughton avait assez d'extravagance et d'humanité pour jouer Ruggles.

Peu d'acteurs savent faire de la propagande pour leur personnage avec un tel génie, un tel panache. Sans Chaplin, l'acteur Chaplin, il n'y aurait pas de Dictateur. Sans Laughton, l'acteur Laughton, il n'y aurait pas d'Extravagant M. Ruggles. Avec Chaplin, avec Laughton, la propagande devient émotion pure. Le