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Libération
Critique

Mémoires d'enfants

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publié le 24 octobre 2002 à 1h31

Ils avaient 2 ans, 4 ans, 9 ans, 6 ans ; de cette enfance leur restent des images, une étoile jaune cousue sur la robe rose à smocks, une gifle maternelle avant la séparation, un cri, le dernier, d'un père, «n'oublie jamais que tu es un juif», une lettre, jetée du train roulant vers une «destination inconnue». Une culpabilité terrible, aussi, décrite par Charles, soixante ans après : «Nous avions été cachés, nous étions des enfants miraculés. Alors que des enfants avaient été brûlés, avaient été tués, que tant de gens étaient morts, comment pouvait-on s'interroger sur nos problèmes personnels à nous ?» Ou par Irène : «Je n'existe pas, je suis coupable.» Coupable d'avoir survécu, quand 12 000 enfants juifs ont été envoyés dans les camps de la mort par Vichy et exterminés. Sur les 60 000 qui restaient en France, la moitié fut cachée, dans des institutions, des fermes, des maisons, par leurs parents ou par des organisations, quand les parents avaient déjà été raflés. Ce sont ces enfants-là, Lou, Robert, Rachel (qui a déjà témoigné sur la rafle du Vél' d'Hiv), Sarah, etc., privés de leur identité pendant la guerre et de parole pendant des années, que Thomas Gilou, réalisateur de La vérité si je mens, filme pour ce 52 minutes Paroles d'étoiles, ou la mémoire des enfants cachés.

A l'origine, il y a le livre, Paroles d'étoiles, sur le modèle des paroles de poilus ou des paroles de détenus collectées par Jean-Pierre Guéno : près de 800 enfants cachés ont fait parvenir leurs témoignag