Il est impossible de comprendre l'Autriche, et en particulier le «phénomène Haider», sans étudier l'impact terrifiant du Kronen Zeitung, tabloïd ultra-conservateur aux accents xénophobes, sur l'ensemble de la vie politique autrichienne. Le succès du Krone (diminutif affectif que lui accordent la plupart des gens dans le pays) appartient déjà au livre des records : tiré à presque 1 million d'exemplaires par jour et touchant plus de 2 millions de lecteurs sur une population de 8 millions d'habitants , il représente le quotidien le plus lu du monde par habitant !
Son directeur, Hans Dichand (82 ans, à la tête du journal depuis un demi-siècle), est considéré par certains politologues autrichiens comme le véritable décideur du destin du pays. Or l'homme cultive son mystère et fuit les caméras comme la peste. C'est là un des grands mérites de Nathalie Borgers que d'avoir réussi à se faire ouvrir les portes du Kronen, de s'être introduite dans tous les services de la rédaction, d'avoir fait parler les responsables de rubrique et même le chef suprême. Sous un vernis très «proche du peuple» et «ami des animaux» (l'engagement tous azimuts du journal en faveur de nos amies les bêtes, avec hotlines gratuites, fait aussi partie de son succès), on y découvre les mécanismes d'un véritable organe de propagande, dont l'idéologie s'organise autour de trois thèmes fondamentaux : l'ordre sécuritaire, la peur des étrangers, la méfiance envers les responsables politiques et, au-delà, la «bureau