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Libération
Critique

Elle et lui (2)

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Ciné Cinéma Classic, 19 h 15.
publié le 7 novembre 2002 à 1h41

Vingt ans. C'était le temps de l'amour, de la sophistication. Ce film a vingt ans de moins qu'Elle et lui, l'autre Elle et lui. Celui dont le Technicolor brille dans le coeur des filles. En 1938, dans Love Affair (Elle et lui), l'accent français de Charles Boyer chante dans la nuit. Pour les Américains, c'est une musique. Comme la musique de Maurice Chevalier, l'autre Français. Les Américains, il ne leur faut jamais plus de deux Français à la fois. La France, c'est loin. Comme Java ou Bali pour nous. Quand des bombes explosent à Bali ou à Paris, les Américains rentrent au pays. Sortir de l'Empire, d'accord, mais risquer sa vie au-delà des mers, non. Pour une Américaine du Middle West ou du Texas, l'une de celles qui pleurent si fort à Love Affair, l'accent de Charles Boyer, c'est comme pour nous le sourire narquois d'Omar Sharif. Pas celui de la pub pour le tiercé, mais celui qu'on imagine bon musulman dans les provinces de la cinéphilie ­ comme Youssef Chahine, tiens ­ alors que ce sont deux bons chrétiens. Des chrétiens d'Orient, mais des chrétiens quand même.

En 1938, l'exotisme et le charme, la séduction, c'est Charles Boyer. Dans une Amérique où l'idée même de guerre, surtout de guerre mondiale, est exclue, McCarey et Daves imaginent qu'un accident vient casser brutalement le cours limpide d'une histoire d'amour. Le malheur individuel plutôt que le malheur collectif, la tragédie sentimentale plutôt que la tragédie mondiale. Le privé, toujours le privé. C'est pour ça que