Menu
Libération

Le Concorde

Article réservé aux abonnés
publié le 8 novembre 2002 à 1h42

Rue brûlée, le carrefour, l'autre chemin encore, des ruines. Les maisons sont vides, les trottoirs déserts. Il y a des panneaux de bois, des volets clos, des parpaings qui aveuglent. L'église est morte. Dans le cimetière, les stèles sont affaissées, les pierres disjointes et les croix brisées. L'herbe est folle. Nous sommes à Goussainville. En bout de la piste 1 de l'aéroport parisien de Roissy. Plus de trois cents avions survolent quotidiennement ce désert. C'est ici que vivent Gaston et Nelly Houdry, et d'ici qu'ils refusent de partir (1).

Il pleut. Abrité sous un parapluie bleu, Gaston s'arrête au milieu de son jardin et observe le ciel, comme chaque matin. Regard rapide à sa montre. «Ah ! Il ne va pas tarder», dit l'homme. Il scrute l'air compact de brume. Déjà derrière le gris, un vacarme lointain. Gaston tend la main. Il montre. Là, par-dessus l'échelle, les arbres maigres et le mur blanc, le triangle du supersonique. Il est sur nous. Assourdissant. «Vous avez entendu le bruit qu'il fait Concorde, quand il passe ?», crie Gaston Houdry, index en l'air et sourcils froncés. Puis il pose rapidement le doigt sur le bout de son nez, comme celui qui a pire à dire. «Et encore !... Il est un peu haut, là.» Gaston a de la pluie sur les lunettes. Un Boeing suit. Et un Airbus.

Devant sa fenêtre ouverte, Nelly, sa femme. «La nuit, il y a des avions qui passent toutes les deux, trois minutes. J'aime autant vous dire que là, vous êtes bien réveillée.» Elle prend l'air fatigué, fait un