La punkitude battait son plein, le no future était encore une découverte, un ébahissement et une conjuration. Dénoncer la disparition de tout espoir, c'était encore espérer que cette dénonciation changerait quelque chose. C'était en 1977, le deuxième film de l'Anglais Derek Jarman, cinéaste camp, c'est-à-dire expérimental, esthète, homo et déconnant, qui mourut du sida en 1994 après avoir tourné un dernier délire inspiré sur la vie du philosophe Ludwig Wittgenstein (auparavant, il s'intéressa également au Caravage, à Edouard II...). A l'aube des années 80, Jarman prévoyait le pire : échec des utopies libertaires, impasse des émancipations féminines («Ils vous laissent passer devant, maintenant qu'il n'y a plus d'espoir») et de la libération sexuelle, essoufflement artistique, sous la pesanteur du cynisme, du pognon et de l'Etat policier. Pourtant, et c'est tout le paradoxe, une joie mutine traverse Jubilé et même une innocence tout à fait étrange qu'on serait en peine de trouver où que ce soit aujourd'hui. Ce qui tendrait à prouver que Jarman avait sous-estimé la chape de plomb qui s'abattrait sur ce début de XXIe siècle, caractérisée par l'ennui, pire des maux que puisse connaître une société. L'intérêt aujourd'hui de Jubilé, tourné il y a vingt-cinq ans, c'est qu'il semble appartenir à la préhistoire. La révolte, évoquée à travers les outrages naïfs (torture au ketchup, pyromanie, cocktails Molotov, chicanes et querelles en tout genre), d'une bande de punkettes agressives,
Critique
Jubilé
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par Isabelle POTEL
publié le 13 novembre 2002 à 1h45
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