Il y a des films qu'on aime avant même d'en penser quoi que ce soit, parce qu'ils désintègrent la grisaille ambiante de leur petite musique énigmatique et pleine d'espoir. Ghost Dog est un poème gangsta rap au croisement des récupérations de la culture noire américaine, mélangeant Mafia italienne, philosophie orientale, kung-fu, hip-hop et jazz, le film allant jusqu'à s'inventer un marchand de glaces ne parlant que français ! Jim Jarmusch conçoit ses films comme des accompagnements aux musiques qui lui sont nécessaires pour vivre. La bande-son en l'occurrence est signée par le rappeur RZA (du Wu Tang Clan) et semble émaner des états d'âme d'un tueur à gages très spécial, joué par un acteur exceptionnel : Forest Whitaker, qui habite le film de sa densité souple et sa mélancolie lucide. Sorte de sage autodidacte, moine solitaire dans la jungle amorphe d'une zone urbaine quelconque, Ghost Dog, chien errant, animal fantomatique, ranime aussi bien la poésie de Robin des Bois que de Fantômas, la guérilla féline des Indiens que le sang-froid hypercodifié des samouraïs. Oiseleur vivant sur un toit entouré de ses pigeons voyageurs, Ghost Dog a embrassé la Voie du samouraï pour s'acquitter de sa dette à l'égard d'un rital (John Tormey) qui lui a sauvé la mise un jour de malchance et dont il s'estimera le vassal fidèle jusqu'à son dernier souffle. Entre la référence aux codes du Japon ancien popularisés par le cinéma et la déliquescence (cf The Sopranos, la série télé) de cette Mafia i
Critique
Ghost Dog
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par Isabelle POTEL
publié le 14 novembre 2002 à 1h45
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