Menu
Libération
Critique

Le Tombeur de ces dames

Article réservé aux abonnés
Cinétoile, 21 heures.
publié le 27 novembre 2002 à 1h54

Depuis Ponette, on sait ce qu'est un enfant au cinéma. Un monstre, plus performant qu'une grand-mère de théâtre, plus professionnelle qu'une professionnelle de la profession. Et un grand enfant, c'est quoi ? Avant d'être des pizzas vivantes du type Michel Leeb, les grands enfants s'appelaient Jerry Lewis. Ils s'appelaient tous Jerry Lewis. A croire qu'il avait bouffé les autres, l'ogre. Pour son petit-déjeuner d'enfant-ogre, le petit Jerry Lewis avalait tous les oeufs dégoûtants dont les autres enfants, les enfants ordinaires, ne voulaient pas. Pour savoir ce qu'un oeuf veut dire pour un enfant ordinaire, lire Un mort dans la famille de James Agee. On les entend, les oeufs, quand ils s'écrasent dans la culotte du petit vagabond, c'est à mourir de rire et de dégoût.

Le Tombeur de ces dames (The Ladies Man) est peut-être le plus beau film de Jerry Lewis. Si ce n'est pas le plus beau, c'est le plus criant du désir de son auteur d'être reconnu comme tel (qu'il soit finalement devenu, du côté de chez nous, un véritable auteur relève de la farce surréaliste, et surtout du travail souterrain de quelques groupies d'André Breton, qu'on ne remerciera jamais assez), pour autant qu'un cinéaste doive s'agiter derrière la caméra comme un beau diable pour exister. C'est avec une belle énergie pré-scorsesienne que le cinéaste-acteur découpe son décor de carton-pâte, cette terrifiante maison de filles où il s'abrite, bien décidé à les fuir une bonne fois pour toutes, ces filles de malheur. Il