C'est un face-à-face atroce. Un duel à la maison de retraite avec deux blessées à mort. La mère ne pouvait plus vivre seule chez elle. Menaçait de se jeter par la fenêtre. Elle a le regard dur, la silhouette voûtée, et plus de 90 ans. La fille en a 70. Les phrases de la mère font mal : «Que je pleure, ça n'a pas d'importance. Que je ne mange pas, ça n'a pas d'importance. Que je m'emmerde, on s'en fout. Elle est casée, la vieille. Moi, je ne me serais pas débarrassée de maman comme ça. Ah ça, non alors.» La fille encaisse, gamine prise en faute, au bord des larmes. Elle appelle sa soeur à la rescousse. «Et à ma soeur, tu lui parles comme ça, à ma soeur ?» On soupçonne que la mère ne lui reproche jamais rien à l'autre, la fille préférée. En une fraction de seconde, des années d'injustice, de rancoeur accumulée.
Un peu plus tard, sur le visage d'une autre pensionnaire de la maison de retraite, c'est la mort qui fait sa bande-annonce. Le regard, comme terrifié, occupe toute la place. Et quand «Mamie jolie» meurt pour de bon, ce n'est pas «la peine de lui mettre une bombe (pour fixer, ndlr), sa bouche, elle tient, elle est belle.» Personnel compétent, Mon amant de Saint-Jean chanté à la veillée et promenades en bateau-mouche organisées, pour ce qui est de l'établissement en lui-même, rien à dire. Malgré la lassitude visible, la directrice fait preuve d'une grande patience avec chacun. Certain(e)s pensionnaires ont un passé psychiatrique lourd. Et une d'entre eux l'appelle, non san