N'en déplaise aux amateurs de bonbons acidulés, Billy Wilder n'a jamais été un cinéaste. C'est un scénariste de talent, un type qui déborde d'idées farfelues, mais pas un cinéaste. Un cinéaste enveloppe une scène et si possible un film dans sa vision du monde avant d'en faire cadeau au spectateur, il ne se fait pas plaisir en secouant la quéquette de ses bonnes blagues pour quelques amis. Cinéaste, ce n'est pas un métier d'égoïste. Quand on est égoïste, égomaniaque, égocentrique, on fait des livres. On trouvera toujours une terrifiante libraire de province dodue pour les mettre en vitrine, et les recommander à ses clients avec un mot doux. «Celui-là, il part vite, il va vous donner des frissons...» « Le long de ma colonne vertébrale, vous voulez dire ?» «Vous m'avez ôté le mot de la bouche.»
Le métier de cinéaste se fait en douce, sans mots doux, avec des enfants de Celluloïd qu'on lâche dans le noir, dans une salle qui ne sent pas toujours la rose. Mais on les lâche, c'est tout.
Wilder ne lâche rien, il garde tout. Deux de ses films (deux de ses plus grands bides, d'ailleurs) réussissent pourtant à ne pas ressembler à des films pour libraires. Ce sont des films de cinéma. Le premier, qu'on revoit toujours avec plaisir, sans doute grâce à la sentimentalité torve de ses acteurs, c'est Embrasse-moi idiot. L'autre, qu'on revoit avec plus de plaisir encore, c'est Avanti ! Celui-là, il ne faut pas le rater, Wilder y réussit tout ce qu'il a raté ailleurs, ce mélange de tendresse