Il fait nuit. Nous sommes rue Soufflot, à Paris, et il est 18 h 26. Il fait froid, mais la foule de novembre se presse. Sur la rue, en plein milieu, sans se soucier des autres, un couple s'étreint follement (1).
«Marguerite, crois-tu que tu puisses encore être heureuse ?», crie l'homme. Blottie dans ses bras, la femme répond en criant aussi : «Je le crois !» Arrive alors Gauthier, leur fils, que nul n'attendait. Marguerite est livide. Elle avait tendu un piège à son mari, pensant que c'était lui, et non Gauthier, qui viendrait par la rue Soufflot. Elle prend peur, hurle à son homme : «J'avais placé des assassins sur ton passage.» L'autre la repousse. «Je te reconnais bien là, Marguerite !» Le fils arrive. Un inconnu surgit de la foule, couteau à la main. Ils se battent un instant, avant que l'assassin ne frappe le jeune homme par deux fois, en plein ventre. «A moi ! Au secours !», crie le blessé, avant de mourir aux pieds de sa mère. Il est 18 h 31. Un peu plus haut dans la rue, une femme et un homme se séparent à grand bruit. «Fuyez ! Si vous restez, je mourrai déshonorée», hurle la femme. «Tu m'aimeras toujours ?», implore l'homme. «Mais oui ! Oui !» Alors il fuit, bientôt entouré par une foule hostile. Devant la vitrine d'un opticien, le jeune est roué de coups, laissé à terre pour mort. C'était une embuscade. Le chef des tueurs s'assure que le travail est fini. «Il est couvert de blessures mais il respire encore», dit un assaillant. L'autre lui lance un mouchoir blanc et