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Libération

La leçon

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publié le 3 décembre 2002 à 1h59

Par respect, leurs visages sont flous. Lui porte une sorte de bonnet blanc en laine molle et une large écharpe. Ses cheveux à elle tombent en désordre sur un manteau noir. Ils sont jeunes. C'est le garçon qui parle: «Je suis venu ici, pour... Heu... Si je peux me renseigner... Heu... Comme... Est-ce que c'est facile à attraper ou c'est vraiment...» Il s'excuse. «Je ne sais pas comment m'exprimer.» Benoît Félix connaît. Il est responsable de l'animation au Cybercrips de Paris, le Centre régional d'information et de préservation du sida. Les deux visiteurs avouent ne rien savoir. L'école ? On n'y donne plus d'information. La trithérapie ? Jamais entendu parler. Le préservatif ? «Moi, je l'ai déjà fait», dit le garçon. «Des fois j'utilise la capote, et je ne sais pas si je l'ai. En fait, je ne sais pas» (1).

Tous les trois sont maintenant assis autour d'une table basse. Devant eux, sur un plateau pivotant, cinq moules colorés et brillants d'un sexe d'homme dressé. Félix, un sachet à la main, est penché vers le jeune homme. «Qu'est-ce que tu vérifies avant de l'ouvrir ?» L'autre prend l'étui, le retourne silencieusement entre ses doigts. L'animateur est très attentif, tendu du geste et du regard. «Tu vérifies ?» «Ben...» «Si le sachet a été plié, par exemple ?» «Je ne l'utilise pas ?», hasarde le jeune. «Et il faut vérifier quoi encore avant d'ouvrir ?» «Je vois s'il y a un trou ?» «Et quoi aussi ?» Du doigt, il tapote le coin à gauche. «La date», lâche la fille. «La date ! Eh ou