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Libération
Critique

La Belle Equipe

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Ciné Cinéma Classic, 17 h 25.
publié le 6 décembre 2002 à 2h02

Jean Gabin est le lien privilégié entre le grand cinéma d'avant-guerre et la pauvre «qualité française» qui squatte encore les institutions (Tacchella à la Cinémathèque, c'est Grangier ou Delannoy à la place d'Henri Langlois). Avant de devenir le maître à jouer des minimalistes ringards (Delon, Ventura), la pire école d'acteurs depuis l'invention du parlant, le jeune Gabin était aussi beau et imprévisible qu'une panthère noire. Il fut un temps où tout lui réussissait. Le spectateur bougeait avec lui, pleurait avec lui, dansait avec lui. L'homme était malin comme un diable, il imaginait ses rôles en chorégraphe de l'amour.

Difficile de choisir, parmi tous les cinéastes avec lesquels il a travaillé, celui qui l'a le mieux dirigé. Pas Carné, en tout cas, qui se contentait d'en faire une estampe poétique pour romans-photos vaguement prolétarisés. En comptant bien, ils sont trois, pas plus (à part la belle parenthèse Ophuls du Plaisir et celle de la Vérité sur Bébé Donge avec Decoin et surtout Darrieux), trois parmi les plus grands, Renoir, Grémillon et Duvivier, à s'être frottés comme de vrais dompteurs, chacun avec son propre génie, sa propre approche, sa propre sensualité, au jeune Gabin, sans qu'il ne lâche jamais rien de sa sauvagerie naturelle.

Gabin, il faut lui voler des choses en douce, sans qu'il s'en aperçoive. S'il s'est laissé soutirer deux merveilleux mélodrames sociaux (Remorques, Gueule d'amour) par le maître du fantastique ouvrier, Jean Grémillon, et quatre Renoir