Elle s'appelle Michèle. Ou Josette, ou Morgane, ou Valérie. Leurs noms figurent au générique mais elles parlent d'une seule voix. Des visages anonymes, et des mots qui courent l'une l'autre comme une phrase à la chaîne. Elles sont penchées de chaque côté des grilles. Trente femmes ici, et trente en face. Et d'autres encore, des dizaines à l'ouvrage. Elles trient les sardines, coupent têtes et queues, étripent, mettent le citron en boîte avant le filet d'huile. Certaines travaillent aussi le maquereau et le thon à chair rouge. «Femmes d'usine», elles se disent comme ça. Blouse blanche, tablier blanc, charlotte sur la tête, elles sont debout à se toucher. Certaines portent les gants, d'autres sont rassurées par l'écaille sous la paume. Courbées sur le métier, elles racontent. Le bruit des machines fait ressac. Il faut crier pour s'entendre. Nous sommes à Douarnenez, Finistère. Devant le tapis roulant, quelques échos de femmes (1).
«Mon premier jour, je ne l'oublierai jamais. C'était un mardi matin et on m'a emmenée dans la salle d'étripage. Voilà. J'ai étripé de la sardine toute la journée.» «Les premiers moments, c'était difficile. Il fallait bien prendre le geste. Mais après, quand on a bien pris le geste, ça va tout seul.» «C'était la première fois, donc j'avais jamais vu d'usine. Et puis le regard des autres. Et puis voilà.» «J'aime bien la sardine, mais j'aime bien le maquereau aussi. L'ambiance est différente, au maquereau.» «Je préfère le thon cru. Le contact est plus ag