C’est si rare qu’à chaque fois qu’un film français prend le monde du travail pour cible il crée immédiatement sa propre légende. Le «monde du travail», attaché par de lourdes menottes au «profit», relève toujours d’un précipité idéologique violent, dans lequel les rapports de classe sont déterminants. C’est le cas du film de Laurent Cantet, dont l’originalité fut d’affirmer que la classe ouvrière n’avait pas complètement disparu (certaines élections l’ont confirmé depuis) et de parler de ses fils. A la fin de ses études, Franck Verdeau vient effectuer un stage à la DRH de l’usine où son père travaille à la chaîne depuis trente ans. Autrement dit, comment appartenir à la classe dirigeante avec des origines au sous-sol ? Comment nouer en soi-même l’avenir d’une belle carrière avec le passé d’une histoire ouvrière chargée, incarnée ici par une représentante CGT particulièrement gratinée ? Derrière les remords de cette ascension sociale, c’est autre chose que tente de raconter Cantet. A savoir, une histoire sans issue, donc insupportable : celle de la bêtise sociale ; chacun enfermé jusqu’à l’ineptie dans son rôle stérile, patron au paternalisme caricatural, employés serviles ou inutilement agressifs.
Cantet semble s'interroger : y a-t-il une fatalité à ce que l'exercice du pouvoir économique s'inscrive dans une comédie aussi grotesque et vaine ? Le tête-à-tête entre père et fils s'opère d'un bout à l'autre du film dans une sorte d'autisme réciproque, la parole n'étant d'aucun s