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Libération

Rancho Notorious

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TCM, 20 h 45.
publié le 14 février 2003 à 22h14

Quelle composition chimique est à l'oeuvre dans ce western de Fritz Lang, qu'on en ressort toujours aussi habité, au sens premier de ce qu'on attend du cinéma (qu'il dépayse notre rapport au monde)? Ce cri qui résonne dans l'après-midi calme, cette cruauté intrinsèque au western, personne ne l'avait montrée comme ça : un type aperçoit une jolie fille sur le pas de sa boutique, il descend de cheval et va tirer son coup. Comme elle crie, il la tue, et repart comme il était venu. Récit d'une vengeance, qui suppose d'abord identification du coupable, Rancho Notorious déploie l'artificialité sublime de ses décors (paysages peints, intérieurs picturaux), ses couleurs déchaînées, sa méditation clandestine, qui lui procurent une atmosphère hallucinogène proche du Narcisse noir de Michael Powell. Tout crée un onirisme intemporel à fleur de peau, une songerie moite donneuse de fièvre.

Un cow-boy part chercher l'assassin de sa fiancée. Il recueille témoignages et récits sur une dénommée Altar Keane, vamp de saloon devenue patronne d'un ranch mal famé. A coup de flash-backs, Lang s'intéresse à la rumeur, comment elle se propage, ce qu'elle privilégie, comment se fabrique la légende. Car ce qu'il travaille ici, fidèle à ses problématiques (cette fois, la question serait : «Y a-t-il encore un coupable quand tous le sont potentiellement ?»), c'est la littéralité de la violence (le cri, le corps sans vie) confrontée à la stylisation et à la sophistication de la légende, celle de l'Ouest, ces