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Libération

Saigneur et prince

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publié le 15 février 2003 à 22h15

Avec Edgar Allan Poe, Roger Corman trouva un sésame. Le fantastique psychologique de Poe, basé sur les soubresauts de l'inconscient plus que sur l'existence de mondes parallèles et de monstruosités performantes, permit au maître de la série B de mettre au point un suspense basé sur l'attente, faisant une large part aux décors et à l'improvisation, permettant à la tendance psychédélique des années 60 de s'immiscer clandestinement dans l'épouvante. Ainsi ce Masque de la mort rouge, tourné en 1964, est une orgie libertine, qui profite des croyances diaboliques du prince Prospero, son héros négatif, pour transformer l'intérieur d'un château en lieu de performance hallucinée.

Dans un Moyen Age caricatural (famine, fumerolles et guenilles), un prince local fait preuve d'une cruauté exceptionnelle vis-à-vis de ses paysans. Il prend en otage une jeune fille alors qu'une épidémie s'abat sur la région. Retranché dans sa forteresse avec ses courtisans qu'il méprise et sadise, il espère corrompre la jeune fille, découvrant que l'étendue de sa croyance dans le bien égale la sienne dans le mal. Il ne s'agit plus de force surnaturelle mais du pouvoir que donne la foi quand elle prend possession d'un esprit. Dès lors, le genre devient affaire de suggestion et d'atmosphère.

Corman invente une enfilade de pièces identiques dont les couleurs varient, qu'il filme à la limite de l'abstraction, transformant son château en palace ultradesign ainsi qu'en cavités mentales que les personnages traversen