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Libération
Critique

Simenon, cet autre

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publié le 21 février 2003 à 22h28

Un médecin de campagne, un vrai, lisse et sympathique derrière ses lunettes. On le voit aller de ferme en ferme, de petits vieux en petites vieilles à vacciner contre la grippe. Une bonhomie sur son visage, un air presque fervent quand il chante à la messe du village. On le voit aussi en famille. Avec sa femme, ses enfants au petit-déjeuner. Tout a l'air d'aller bien, et pourtant. En voix off, dans son journal intime, ce médecin anonyme exprime son malaise, «ce mal qui [le] ronge» et comment il ne supporte rien dans sa vie quotidienne. Ses mots viennent contredire l'impassibilité de son visage...

Une atmosphère inquiétante à la Simenon ­ nous vous mettons au défi de ne pas frissonner au moment du coup de massue sur le cochon, que l'on vide de son sang, dans une ferme du coin ­, voilà ce qui fait la réussite de ce portrait du grand Georges, que le réalisateur belge Manu Riche définit comme un «faux documentaire». D'abord, on ne sait pas très bien où l'on est. Une ambiance entre la Maladie de Sachs de Martin Winckler et l'Adversaire d'Emmanuel Carrère. On sent juste qu'à tout moment le drame peut surgir. Entre deux séquences de la vie du médecin, envoûté par le personnage du docteur Alavoine de Lettre à mon juge (1947), Manu Riche intercale des interviews de Simenon. Le regard presque toujours moqueur, il parle de son rapport presque «sexuel» à l'écriture. Des femmes dont il fut un consommateur boulimique. De la mort et, bien sûr, de sa mère, qui fut si importante pour lui et s