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Libération
Critique

Belle de jour

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Ciné cinéma succès, 20 h 45.
publié le 4 mars 2003 à 21h45

C'est un vieux mot, un mot anglais, «transmogrify». Dès qu'on parle cinéma, on parle de ces transformations qui fondent l'antinaturalisme, ce mouvement qui sape les bases du cinéma, pour autant que son existence soit prouvée. Si le cinéma a jamais existé en tant que cinéma, ce qui est loin d'être sûr, le naturalisme est quelque chose comme son péché originel. Ne pas croire qu'en se «transmogrifyant», on se transforme en n'importe quoi. On se transforme en griffon, on se transforme en monstre. Les transformations douceâtres des millions de téléfilms de cinéma qui sortent dans le monde à chaque seconde ne relèvent évidemment pas de ça.

Buñuel est un cinéaste-monstre. A défaut de se transformer dans la vie ­ il en était incapable, c'était un petit bourgeois craintif, dévoré par la jalousie ­, il transformait ses personnages plus vite que l'éclair. Il s'agit chez lui d'une manière de surréalisme basique, ethnologique, ethnocentré, une manière de transformisme de gamin blagueur, plus à l'aise ­ façon de parler ­ dans la compagnie des fourmis que dans celle des hommes.

Belle de jour est l'histoire d'une femme. Une femme en compagnie de laquelle il eut été insensé que Buñuel se trouvât jamais. Il la rencontre ici (Kessel l'a couchée sur papier, Buñuel l'a inventée), parce qu'il ne la rencontrait pas là-bas, du côté de chez lui. Chercher la parenté avec Brisseau, grand transformeur devant l'éternel. Ces deux-là craignent avant tout le petit homme en noir, celui qui rigole entre les im