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Libération

Le Masque

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publié le 11 mars 2003 à 21h58

La femme verse un peu du charbon contenu dans le grand sac en papier. Elle est courbée. On distingue mal son visage. Deux foulards noués l'un sur l'autre dissimulent ses cheveux. Elle porte une robe bleu sombre, brillante comme le velours. Accroupi sur les carreaux de pierre, l'homme tient un bol sous l'ouverture du sac. Une fois la coupe pleine, il se lève, la secoue légèrement pour égaliser les éclats en surface, puis entre dans la maison. Nous sommes à Soulemanieh, au Kurdistan irakien. Chemise bleue et cravate, Chaala Ali Askari attend le bol, assis sur le canapé de tissu fleuri. Il y a quinze ans, plus au sud du pays, les gaz chimiques irakiens avaient fait d'Halabja une cité martyre. L'image de ses ruelles saisies par le poison hante les Kurdes. Redoutant demain, ils fabriquent aujourd'hui des masques à gaz (1).

Avec soin, Ali Askari enfile des gants en caoutchouc. Devant lui, le bol de charbon, un bol de gros sel et une passoire en plastique. «Certains médecins disent que l'on peut fabriquer un masque assez simplement, avec du sel et du charbon. C'est donc ce que je suis en train de faire», nous explique l'homme. A droite, son fils le regarde en se grattant la joue. Huit ans peut-être, il observe les mains du père comme un enfant distrait. Ali Askari verse un peu de charbon dans un semoulier sombre et or. Puis ajoute le gros sel à part égale. «Il faut maintenant mélanger le charbon et le sel ensemble», dit-il. D'un geste élégant, il tamise la préparation entre ses doig