La vraie vie... Tout concourt ici à en effacer les limites, à en gommer les contours. Le pays de Lange, à mi-chemin du rêve et du trivial, Renoir le parcourt en se jouant des dialogues de Prévert comme d'un champagne d'images. Du coup, le livre du réel en prend un sacré coup, mais il ne s'avoue pas battu. La preuve ? Le Crime de monsieur Lange est l'un des films les plus plombés de Renoir, l'un de ses plus naturalistes. Ce n'en est pas moins une belle leçon de liberté, quelque chose comme le combat de l'ange et du diable, pour autant qu'on admette que le diable (Jules Berry) puisse prendre figure humaine. Dans les Visiteurs du soir, le mélo poétique du même Prévert (Marcel Carné à la mise en scène), on rigole de Jules Berry (le diable, encore), pauvre démon même pas fichu de se transmogriphyer quand il en a l'occasion. Les enfants, au moins, se déguisent en riant.
Jules Berry est déguisé en prêtre dans le Crime de monsieur Lange. Ça ne l'empêche pas d'en demander un, de prêtre. Batala regrette, il veut se confesser. Transmogriphycation du diable, métamorphose du monstre en homme. La lingère et le poète peuvent bien filer le parfait amour, le diable agonise. Naturalisme exacerbé, qui se transforme en propagande pour les anges de Dieu. Et si le surnaturel était la seule issue au naturalisme ? C'est Bob Wills, sur la fin de sa vie (The Longhorn Recordings/Bear Family), qui chante No Disappointments in Heaven. Pas de désillusions au pays de Dieu. Suavité de la voix, infinie douce