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Libération

Deux enfants

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publié le 9 avril 2003 à 22h41

Nous sommes dans les faubourgs de Bagdad. Lentement, une unité de marines progresse au milieu des maisons basses. Il y a des palmiers, des habitants inquiets dans l'angle des murs, et la fumée grise de combats plus loin. Les soldats américains sont tendus, prudents, ils fouillent chaque maison à la recherche de combattants. Nous approchons d'un logis. Nous approchons vraiment. La caméra se veut tellement solidaire du soldat qu'elle paraît fixée à son épaule. Tellement proche que nous sommes écrasés contre la crosse de son arme. Tellement associée que nous avons le regard plongé dans son viseur. Tellement complice que ce fusil d'assaut devient le nôtre. C'est un AR15. Et nous tenons un homme en joue (1).

L'Irakien en djellaba blanche est à la porte de sa maison. Le fusil et lui se font face. L'index droit du soldat caresse le pontet de l'arme. Le civil hésite. Il joint ses doigts et porte plusieurs fois la main à sa bouche. On dirait qu'il demande à manger, à boire, ou alors il tente d'expliquer qu'il sortait de chez lui pour s'approvisionner. Le soldat est nerveux. Nous ne le voyons pas. Nous voyons ce qu'il voit. Cet homme barbu qui fait ce signe, puis qui se tourne vers l'intérieur de la pièce. Le fusil vise la tête. L'index hésite entre pontet et détente. La scène est brève. L'Irakien appelle quelqu'un dans la maison. «Non ! Laisse tes mains en l'air !» hurle le soldat. D'un geste brusque, il lui ordonne de quitter l'angle de la porte. Un second fusil américain vient d'app