Lors de sa sortie en salles en 1987, De bruit et de fureur faisait scandale par sa vision des banlieues minées par la misère, la solitude et la violence juvéniles. A l'époque, beaucoup avaient oublié que Jean-Claude Brisseau était déjà l'auteur de deux superbes fictions sur le mal-vivre des cités. Et pour cause : les Ombres, réalisées dans le cadre de la série intimiste «Télévision de chambre», n'avaient eu droit qu'à une programmation confidentielle en 1982, tandis que la Vie comme ça, tournée en 1978, ne fut diffusée que... seize ans plus tard. Un grand merci donc à Ciné Cinéma, qui propose ces deux fictions rares à tous les sens du terme, et dont la vision est indispensable à tous les amoureux du cinéma de Brisseau.
Outre d'indéniables qualités cinématographiques (jeu sur les apparences, maîtrise du plan-séquence et de la bande sonore), la Vie comme ça et les Ombres constituent également de précieux documents sociologiques et historiques. Ils rappellent qu'en 1978 les policiers n'intervenaient déjà plus dans les grands ensembles, «ou alors en force, sinon, c'est trop dangereux» ; que des ados désoeuvrés participaient à des viols en réunion (on ne disait pas «tournante» à l'époque) et tuaient pour quelques centaines de francs ou une simple insulte. En 1978 déjà, Brisseau faisait entendre le brouhaha incessant de ces immeubles «où personne ne se connaît, mais où on sait tout ce qui se passe chez les voisins», le bruit sourd de ces corps qui, à intervalles réguliers, s'écrase