Menu
Libération
Critique

L'Homme léopard

Article réservé aux abonnés
Cinétoile, 19 h 35.
publié le 16 avril 2003 à 22h50

Une seconde plus tard, il est mort. Chez Tourneur, ces choses-là n'ont pas beaucoup d'importance. La vie, la mort, c'est un peu pareil. Passer de l'un à l'autre, c'est une simple question de transformation, le passage d'une énergie à une autre. Le corps se dissipe un peu, mais ça ne fait pas mal, on ne s'en rend même pas compte. Jacques Tourneur disait tranquillement, avec un sourire d'une douceur assurée, une douceur rassurante, que les morts étaient infiniment plus nombreux que les vivants. «Depuis que le monde existe, ça fait combien de morts ? Vous en avez une idée ? Mais il ne faut pas avoir peur, ils ne sont pas méchants. Ils sont comme vous et moi. Il y en a même qui adorent faire des blagues.» C'est ce qu'il disait, Tourneur, dans son drôle d'américain teinté de français, un français presque provençal. D'avoir trop mangé chez Renoir, sur les collines de Hollywood, donnait à Tourneur des airs de Pagnol américain.

Un léopard, moi ? On m'a transmogriphyé, alors ? Mal à l'aise dans son corps de monstre, ce nouveau corps qui n'est pas encore tout à fait le sien, il réfléchit. Mettre ses pas dans ceux de l'homme léopard, pour voir si on pense un peu comme lui. Tourneur est l'homme léopard du cinéma, celui qui se transforme plus vite que la lumière. La transmogrifycation, il connaît. Tu crois l'avoir vu, il est déjà ailleurs. Est-ce que tu l'as vraiment vu, d'ailleurs ? Un rai de lumière, une branche qui craque, tu sursautes, tu es sûr que c'est lui. Mais il n'y a pas plus d