Pourquoi imiter le réel, puisqu'il n'existe pas ? Walsh n'essayait même pas. Il vivait au milieu des chevaux et des hommes, des Clark Gable et des George Bush, ceux qui dégainent plus vite que leur ombre. Heureusement qu'ils sont là, ces deux-là, pour nous aider à échapper à la géographie imaginaire du monde, et sortir des filets serrés du naturalisme. Walsh ne parlait pas. Il parlait moins que Buster Keaton, c'est dire. Sur un tournage, c'était pire. Lèvres serrées, silence de plomb. Pourquoi diriger les hommes bourrus et les chevaux sauvages ? Comme s'ils ne connaissaient pas leurs marques depuis l'aube des temps. On oublie ça en ces temps de suppléments d'âme à tous les étages. Dans le dernier numéro des Cahiers du cinéma, un certain Bill Krohn retrace en une dizaine de feuillets serrés la généalogie de la Nuit du chasseur. Tout y passe, des fins alternatives aux bribes de phrases attrapées au vol par un magnéto qu'on a oublié d'éteindre. Le mystère Laughton ? Broutilles, superstitions, anachronismes. Voici venu le temps du bonus, le temps des Krohn et des Ducros, le temps des monsieur Plus.
Les filets du naturalisme sont plus serrés que prévus. En vérité, c'est le mutisme de Laughton qui est la vraie boussole de son cinéma. A quand le tour de Walsh ? Il aimait tel film, il disait ci, il disait ça. Couillonneries de la critique à l'américaine. La vérité, c'est que Walsh les voyait venir, ses acteurs, c'est tout. Dans les Implacables (1955), il voyait venir Clark Gable, il