Menu
Libération
Critique

Trente Ans

Article réservé aux abonnés
Cinéstar 2, 01 h 30
publié le 28 avril 2003 à 23h02

Pendant vingt minutes, Laurent Perrin se demande s'il doit faire comme le jeune Zulawkski (l'Important c'est d'aimer) ou le jeune Jacquot (l'Assassin musicien), c'est-à-dire s'égarer du côté factice de la cinéphilie, de la jalousie d'amour. Le propre du fétichiste, on le voit chez Buñuel, c'est qu'il ne fait rien de rien. Il additionne, c'est tout. Freud avait une belle formule pour signifier le déplacement du désir dans la jalousie : «Ce n'est pas lui qu'elle aime, c'est lui que j'aime.» On n'en sort pas. On n'en sort jamais. Heureusement que Trente Ans décide, en cours de route, de changer de route, pour mieux se perdre dans les dédales de l'antinaturalisme, du grand style, du théâtre.

Au départ, on a deux hommes et une femme qui s'aiment, qui se désirent. Elle se glisse entre eux (ou ils la glissent entre eux, on ne sait pas). Drôle de femme, venue de nulle part, à l'image de cette curieuse actrice, Anne Brochet, dont on se demande pourquoi elle a l'air d'être de moins en moins là. On s'attache à elle, à sa peau trop blanche, à ses allures désuètes, mais Trente Ans ne suit pas. Un peu excédé, on se dit que Laurent Perrin aurait mieux fait de bidouiller un vrai film de pédés, plutôt que de se coincer la queue dans des histoires de baise à trois. Aussitôt qu'on s'est dit ça, on le regrette, le film se perdant vraiment, d'une belle manière onirique (à la Biette), dans des dédales d'invraisemblance qu'on aimerait voir plus souvent dans le paysage désolé du cinéma français. Le