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Libération

Isastyl

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publié le 6 mai 2003 à 22h53

Nous ne l'attendions pas. Elle n'apparaissait ni au sommaire, ni dans les programmes. Depuis le début de son émission, Emmanuel Chain nous parlait des «affaires qui tournent mal». Patrons voyous, marchands de vent, faillites, liquidations, saloperies, drames. Et puis il a marqué une pause. Comme ça, sans prévenir. Entre deux reportages, il nous a présenté Isabelle Souillart (1).

C'est une jeune femme blonde au sourire timide. Au regard timide, aussi. Quand le journaliste lui parle, elle se mord la lèvre, hoche la tête et cligne un peu des yeux. Isabelle était ouvrière, chef de coupe pendant douze ans dans une usine textile de Béthune. Il y a six ans, son entreprise ferme. Quatre-vingts personnes jetées à la rue. «Et là, vous avez décidé contre toute attente, de la reprendre, cette entreprise», interroge Emmanuel Chain. «Vous, l'ancienne ouvrière, vous êtes devenue patronne.» Elle sourit. Elle dit : «Voilà.» «Qu'est-ce qui vous a donné l'idée ? Comment ça s'est passé ?», demande encore le journaliste. Puis il replie l'index sur sa lèvre pour dire son attention. «Ça s'est fait tout de suite», explique la couturière. «Quand le directeur a annoncé que l'entreprise allait fermer, je lui ai demandé s'il n'y avait pas moyen de garder vingt ou trente personnes pour ne pas arrêter complètement l'activité. Il m'a dit que cela ne l'intéressait pas, mais que si je voulais créer ma propre entreprise, il voulait bien m'aider.» Elle parle en baissant les yeux, fait des petits gestes de cont