A l'aube du cinéma, tout est affaire de technique et de vérité. Les tentes à cinéma, les frères Lumière, vous vous rappelez ? Le grand chapiteau de la vie, vous voyez ? Les projecteurs forains, les yeux écarquillés des adultes devant l'enfance démesurée, documentaire, burlesque, du «cinéma», vous n'avez pas oublié, quand même ? Le cirque, les clowns, les acrobates, vous vous rappelez ? Le cinéma n'avait pas encore eu le temps de copier le réel, il ne savait pas ce que c'était. La vie comme elle va, le cinéma comme il va, vous vous rappelez ? Pour qui a oublié l'effervescence des premiers jours, quand les effets de réel étaient encore planqués dans l'armoire de l'arrière-grand-père de Claude Berri, le chapiteau de Cecil B. DeMille ou la tente de Jacques Tourneur, c'est le dernier endroit où retrouver quelque chose de l'ahurissement inaugural du cinéma.
Tu veux dire que la Flèche et le flambeau (Tourneur, 1950), c'est le dernier wagon bâché où se projettent les derniers films forains ?
C'est ça. Des endroits où s'abrutir au Plus Grand Chapiteau du monde, il n'y en a pas beaucoup, non plus. A sa sortie, en 1952, c'était déjà un film désuet.
Dans la France pétainiste d'aujourd'hui, où le DVD a remplacé le béret, tu voudrais qu'il y ait encore des chapiteaux de cinéma ?
Et si je veux rêver. Tu sais que Biette a été ébloui dans son enfance par la Flèche et le flambeau ?
Dans le genre cape et d'épée, je préfère la cruauté vermillon de la Flibustière des Antilles à la légèreté