Pour fêter l'année dernière les 20 ans de sa compagnie Rosas, la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker décidait d'une chorégraphie où elle remettrait en chantier le rapport musique-danse. Pour la troisième fois de sa carrière, elle travailla avec Thierry de Mey, compositeur qui, en même temps qu'elle fabriquait la chorégraphie, créa la musique de Fiançailles, l'un des trois volets de April Me, la pièce anniversaire qui comportait aussi Noces et Peau.

Dans son documentaire Corps accords, le réalisateur Michel Follin s'est surtout intéressé à l'élaboration du spectacle. Ni portrait donc, ni captation, ce film plonge le spectateur au coeur du processus de création. L'équilibre entre danse et musique, sans que l'une prenne le pas sur l'autre, sans que l'une ne compromette l'autre et sans que les deux créateurs ne se fassent des révérences non plus pour trouver le plus petit dénominateur commun, est au centre du documentaire. Les accords sur une trame rythmique commune, le travail solitaire et en équipe (avec les danseurs et les musiciens), les décisions sur la place de chacun : tout cela est en mouvement et détermine l'écriture et la forme.

Même s'il faut abandonner des idées parce qu'elles tombent d'elles-mêmes à l'épreuve du plateau ­ par exemple les musiciens disposés en spirale sur scène ­, le spectacle prend corps par intuition, par exercice mathématique, par hasard, par conviction. L'écriture cisèle l'espace et le temps, et le film sait en rendre compte sans se perdre