Cela fait dix-neuf fois que le père est parti à la recherche du fils. Dix-neuf fugues en trois ans. La première, Jean-Christophe avait 13 ans. Il est sorti de l'école, est resté dans la rue. Aujourd'hui encore, le père roule vers son fils. Il avait disparu. Il vient d'être repris. Réfugié chez sa soeur, il attend la visite du père (1).
La porte s'ouvre. Il fait sombre. Deux sourires blancs. «Salut fiston», dit le père. «Bonsoir père», répond le fils. Il tend une joue. Le père pose deux baisers sur sa peau. Ils sont dans une petite pièce mansardée. Le père est assis sur une chaise, un coude appuyé en arrière sur le dossier. Le fils est debout, main dans les poches et face à lui, adossé au rebord d'un canapé rouge. Ils sont à trois mètres l'un de l'autre. Le père lisse soigneusement ses cheveux rares et remonte ses lunettes du doigt. Il demande : «Pourquoi tu es parti ?» Sa voix est tranquille, douce, presque. Ses mots sont nus. Le fils fait silence. Il est sec et glacé. Il cherche. Il regarde le plafond, la poutre, sa jambe tressaute. «Y a pas de raison, je crois», murmure Jean-Christophe. Le père lève une main lasse. Il parle comme on soupire. «Attends, c'est grave. Tu dis : "Y a pas de raison, je sais pas." Pffff.» «C'était parce que j'avais vraiment envie de partir», continue le fils. «Parce que tu... Tu me rappelles... Parce que voilà, on ne s'entendait plus, quoi.» Nous regardons le père. Il écoute. Il est attentif et tendu. Ses yeux sont humides. Mais il ne peut réprimer