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Libération
Critique

Young Cassidy

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TCM, 18 h 40.
publié le 11 juin 2003 à 23h20

Se souvenir de Ford, en ces temps de numérisation de l'âme, ça ne fait pas de mal. Il était 100 % analogique, le vieux Ford. Kermesses héroïques, bugles triomphants, marches nuptiales, toute cérémonie lui était une bénédiction. Comme toute bénédiction lui était aussi cérémonie, on dira qu'il était analogique à 360 %. Malgré tout cela, il n'était pas cérémonial, même s'il était amiral. C'est juste qu'il aimait les religions d'église, les uniformes, les chants patriotiques. Il aimait aussi la dignité des cathédrales et des processions républicaines, et même les déclarations d'amour ­ autant dire qu'il avait ce qu'il faut pour être cinéaste. A l'époque héroïque où il est devenu contremaître de cinéma (pendant cinquante ans, c'était cela, et rien d'autre, le métier de cinéaste), savoir filmer une déclaration d'amour et une procession, c'était le minimum syndical. A Hollywood, si tu sais filmer une vingtaine d'uniformes en donnant l'impression qu'il y a une vingtaine de personnes dedans, tu as réussi l'écrit. L'oral, c'est de savoir aussi filmer une femme qui baisse la tête pendant qu'un homme lui dit qu'il l'aime ­ l'inverse marche également très bien, et Ford était très bon à ça.

Se souvenir de Ford, c'est se rappeler la ballade irlandaise au coeur de l'homme tranquille. Ford est un rêve, l'Irlande est un rêve. Se souvenir d'un rêve, c'est ce qu'il y a de plus difficile. Quand il s'agit d'un rêve politique, d'un rêve militant, c'est encore plus difficile. L'Irlande pour laquelle